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Faire du yoga pour lâcher prise, faire de l’hypnose pour lâcher prise, en tant que parent, lâcher prise sur le destin de vos enfants, lâcher prise par rapport aux résultats des projets qui vous tiennent à cœur et sur lesquels vous planchez depuis des mois… Le lâcher-prise semble être une forme de solution miracle, convoitée par tant de gens, et gardée par une poignée de personnes qui marchandent sa transmission. Et si le secret était plus simple que cela ? Et s’il suffisait de lâcher prise par rapport au lâcher-prise ? « / »

Fabrice Midal nous dit « Foutez-vous la paix ! », Mark Manson écrit un best-seller au titre provocateur traduit en français par « L’art subtile de s’en foutre ». Se moquer de quelque chose, d’un résultat, d’un couple qui bat de l’aile, d’une blessure, d’un coup dur de la vie serait une autre solution ? Peut -être. Mais j’en doute. Vous perdez votre enfant, et il faudrait s’en foutre ? Je sais que je fais un énorme raccourci, volontairement, pour tenter de prendre à contre-pied ces positionnements qui en font autant. Bien évidemment, je vous invite à lire ces auteurs pour découvrir les intérêts de leur point de vue. Car ils sont nombreux.

Je pratique l’escalade depuis presque toujours. Je travaille avec des grimpeurs de l’équipe de France en coaching mental depuis 2011. Prenons quelques instants un exemple issu de cet univers. Le grimpeur s’élance dans la paroi, par exemple dans les Calanques, ou dans le Verdon. Il s’élève de quelques mètres. Son assureur en bas est tout autant concentré que lui. Nul risque mortel de ce côté-là. Sa vie est entre de bonnes mains et n’est pas en jeu.

Soudain, un pied « zippe », glissant un peu sur une prise. Il s’accroche davantage. C’est un imprévu qui fait partie de la vie du grimpeur. Il sait que s’il tombe, tout ira bien. Au pire, quelques rayures à l’ego, et des émotions qui feront de bonnes histoires à raconter peut-être plus tard. Mais non, son cerveau s’attache à la peur, il stresse, et il se met la pression. « Je ne veux pas tomber, je dois continuer ». Il prend une autre prise de main, puis une autre. Il tente de se calmer. Et là… Il essaie de lâcher prise… Que se passe-t-il ? A votre avis, en a-t-il envie ?  Le peut-il ?

Non. Le combat du grimpeur est à l’image de ces mini batailles de la vie que nous rencontrons tous. Lâcher prise reviendrait à lâcher le combat. C’est une solution difficile, illusoire, un repli vécu comme l’inverse du contrôle.

Encore que…lâcher prise délibérément ne serait-il pas aussi un choix comportemental, une sorte de moyen détourné de garder le contrôle ?

Bien sûr qu’il peut y avoir un intérêt au lâcher-prise, comme celui de se préserver, de remettre à plus tard une confrontation à une situation, fuir. Bien sûr qu’il peut y avoir une prise de recul utile, salutaire, mais elle est momentanée. Le lâcher-prise n’est pas la solution de longue durée qu’on nous vend. En plus, à force de le chercher, on se culpabilise de ne pas le trouver, ou pire, d’y arriver, mais de ne pas réussir à le maintenir dans la durée. En effet. Car le lâcher-prise est une action contrôlée, consciente, choisie pour réagir notamment à des évènements de la vie où nous n’avons pas le contrôle : un job qu’on a manqué, un projet qui tombe à l’eau, une mauvaise nouvelle… L’action de lâcher prise n’est pas logique. C’est une illusion. C’est une licorne mentale.

La solution, une en tout cas, que je connais et que je vois faire des merveilles en thérapie est beaucoup moins médiatisée. Ce n’est pas une action. Nous ne sommes pas dans le faire. C’est un état d’esprit. C’est le laisser-aller.

Il est souvent relégué à une image néfaste voire négative au travers d’expressions de la vie courante : « il a pris du poids, il se laisse aller ! », « il y a du laisser-aller à l’école ».

Pourtant, le laisser-aller est l’attitude qui permet de faire le tri entre ce qu’on peut contrôler et ce qu’on ne peut pas. C’est avoir l’attitude du capitaine d’un radeau qui descend une rivière, économe, prudent, et conscient que la rivière l’emmène. Qu’il ne sert à rien de dire « mince, j’aimerais tant qu’elle aille plus vite, ou que ses méandres m’emmènent à l’est et non à l’ouest…». Ce même capitaine se laisse aller, tout en contrôlant ce qui est en son pouvoir. Pas plus. Il est dans le laisser-aller. Il pleut ? Eh bien oui. C’est tout.

Le laisser-aller n’est pas se résigner, n’est pas abdiquer. C’est le pouvoir d’accepter ce qui est, même le plus difficile. Ou en tout cas de tendre vers cette acceptation capitale qui permettra d’avancer par la suite. Le laisser-aller, c’est se laisser avancer, c’est se laisser faire, se laisser vivre.

Cet état d’esprit, cette attitude peut rappeler bon nombre de principes religieux ou philosophiques. De Marc Aurèle à Bouddha, nous retrouvons des préceptes similaires. Mais au delà des textes ou des idées données ou écrites par d’autres, aussi brillants soient-ils, le laisser-aller est avant tout une attitude personnelle. 

Personnelle pourquoi ? Parce que le laisser-aller choisi au nom d’une force supérieure qui ferait le nécessaire pour nous rendre la vie plus belle, risque de rimer avec passivité. 

Alors que le laisser-aller comme attitude personnelle, comme choix de vie, est une approche quasi spirituelle. De vous, au quotidien. 

Brièvement parce que je développe ça dans d’autres articles, cette spiritualité, ce serait votre expérience personnelle qui la permet, vos choix, votre attitude vis-à-vis de vous-même, des autres, et des événements. Elle est singulière, unique, basée sur votre expérience individuelle, loin de principes installés. Elle dépend de vous, c’est tout. 

Ici, je propose simplement, dans une forme de spiritualité du quotidien, de se demander : et si on laissait aller les émotions en lien avec les choses qui ne nous concernent pas, qu’est-ce que ça changerait ? 

Si on laissait aller l’inchangeable, l’incontrôlable…

Bien évidemment, c’est moins marketing que le lâcher-prise. Puisqu’il n’y a pas de mode d’emploi pour le laisser-aller. Chacun va faire à sa manière. Et parce que cela demande de regarder nos situations de vie, de les considérer comme elles sont, puis de les accepter avant de laisser aller, justement. Le processus peut être plus long. Mais il sera plus utile. Car il apportera connaissance et satisfaction là où le lâcher-prise apportait déni, refus, et contrôle masqué. Là où le lâcher-prise était en réponse à « je juge cette situation inacceptable donc je décide de lâcher prise par rapport à elle »… incluant jugement et contrôle.

Prenons le chemin de la connaissance de soi, de la reconnaissance, et de l’acceptation. Bien que moins simples, ce sont souvent ces chemins qui nous font grandir le plus. 

Laissons-nous aller au laisser-aller, un peu, et si nous y prenons goût peut-être que ça donnera des idées à d’autres dans notre entourage. 

A nous de choisir l’attitude qui nous convient. A bientôt. 

(N’hésitez pas à partager cet article si le cœur vous en dit).